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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 21:16

Le ministère du transport propose de développer le métro léger de Sfax sous forme de PPP.

Afin de contribuer à la réflexion, j’ai pensé que ce serait intéressant d’étudier des exemples de lignes de métro développées en PPP afin de mieux comprendre les notions de PPP et de partage de risques dans un projet développé sous le schéma PPP.

 

Le développement de ligne 4 du métro de Sao Paulo, a été effectué sous forme de PPP et se fera en deux phases.

Lors de la première phase, l’autorité publique propriétaire du réseau métropolitain est responsable de la construction des tunnels, des voix et des stations de métro.

Le partenaire PPP, Entreprise privée, dans le cadre d’un accord de concession de 30 ans, est chargé de la fourniture, de l’exploitation et de l’entretien du matériel roulant (14 rames de 6 wagons), et des systèmes d’exploitation (un système de signalisation et de contrôle des rames et un système mobile de de téléphonie et de transmission de données).

Selon l’accord, les six stations de la première phase seront construites par l’autorité publique en un délai de 2 ans.

Le financement du partenaire PPP est de 392 millions de dollars dont 82,95 millions de dollars de fonds propres et 309,2 millions de dollars d’endettement répartis en deux prêts : un premier prêt de 69,2 millions de dollars souscrits sur 15 ans et un deuxième prêt de 240 millions de dollars souscrits sur 12 ans. Les deux prêts comportent un délai de grâce de 2 ans pouvant être étendus d’autant que le retard d’entrée en exploitation qui serait dû à des retards dans la réalisation des voies et des tunnels. Cependant, l’extension du délai de grâce réduit d’autant la durée de remboursement du principal.

Les recettes du partenaire PPP proviennent de la vente des tickets de métro dont le prix sera ajusté sur une base annuelle en fonction de l’inflation. A Sfax ce prix peut être aligné sur le prix pratiqué à Tunis avec une compensation au profit de l’exploitant privé en cas de révision annuelle des prix.

Le partenaire PPP recevra en outre, chaque année, en contrepartie de la disponibilité de service, 44,1 millions de dollars de la part du gouvernement et pourra générer d’autres revenus en louant des espaces publicitaires dans les installations et les rames tant que la qualité et le niveau des services ne s’en ressentent pas.

Le partenaire PPP bénéficie d’un revenu minimum garanti et d’un seuil de partage des recettes, qui le protège en cas de faibles revenus mais prévoit le partage des recettes, avec l’autorité publique, lorsque celles-ci dépassent les niveaux prévus.

Le partenaire PPP fera l’objet d’évaluations périodiques reposant sur trois types d’indicateurs de performances : (1) indicateurs de performance d’exploitation, (2) indicateurs de satisfaction des usagers (par un organisme indépendant) et (3) indicateurs de qualités de l’entretien. Si les valeurs de ces indicateurs sont inférieures à des seuils prédéfinis, le partenaire PPP peut être pénalisé.

Partage des risques :

  • Le secteur public assume les risques liés à la construction des tunnels, des voies et des stations
  • Les risques associés à la demande, à l’exploitation ainsi qu’au matériel roulant ont été partagé avec succès avec le secteur privé
  • Le risque associé à l’interface entre l’exécution des travaux de génie civil, à la charge de l’Etat, et la fourniture du matériel roulant, à la charge du partenaire PPP ont été gérés ont prévoyant une compensation du partenaire PPP en cas de retard des travaux.
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27 juillet 2020 1 27 /07 /juillet /2020 14:55

L’Estonie est un des rares Etat au Monde à avoir fait une transformation numérique.

 

 

Extrait de "Quand le numérique transforme l'Etat et l'Administration: vers un changement de paradigme", étude réalisée par Mustapha Mezghani pour le compte de l'ITES, Institut Tunisien des Etudes Stratégiques relevant de la Présidence de la République tunisienne.

http://www.ites.tn/fr/actualites/L%E2%80%99ITES-propose-100-recommandations-pour-transformer-l%E2%80%99Etat-et-l%E2%80%99Administration-via-le-num%C3%A9rique-:-vers-une-rupture-de-paradigme-%3F/103/?fbclid=IwAR1Xg58Hh80QaaqG6piZayu4I2ibI1FXsrTtMiiJmubVls0QXTBR6nxso8s

 

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27 juillet 2020 1 27 /07 /juillet /2020 10:10

L’Estonie est un des rares Etat au Monde à avoir fait une transformation numérique.

 

Les Estoniens ont réinventé la notion même d’État en le pensant comme une plateforme de services qui met le citoyen au centre.

Embrassant le numérique et intégrant pleinement son utilisation dans le fonctionnement de l’Etat et de l’administration, l’Estonie a inventé la notion de e-résident. Ainsi, depuis 2014, tout citoyen du monde peut devenir e-résident, ou résident numérique, d’Estonie suite à demande et après enquête[1]. L’e-résidence confère le droit d’ouvrir un compte en banque, d’enregistrer une entreprise au registre du commerce, d’avoir une activité économique en Estonie, de signer des contrats, de passer le permis de conduire, de déclarer les impôts sur les sociétés estoniennes, etc.

Ce programme d’e-résidence qui a pour but d’encourager l’investissement étranger, permet aux entrepreneurs du monde entier d’accéder à l’e-administration estonienne pour créer une entreprise en Estonie sans avoir à se rendre sur place, en 18 minutes chrono selon le record et avec des statuts qui tiennent sur une page, d’accéder à des services administratifs performants et, pour les titulaires hors Union Européenne, d’avoir accès au marché européen. Pour autant, ce n’est pas un passeport pour l’évasion fiscale, les entreprises étant imposables. A fin avril 2020, l’Estonie comptait environ 70 000 e-résidents venant de 167 pays différents avec un objectif de 10 millions à l’horizon 2025, soit sept fois plus que d’habitants.

Cette transformation numérique vers la e-résidence n’aurait été possible si l’Estonie n’avait fait le choix de devenir 100% e-administrative quelques années plus tôt, après sa sortie du bloc soviétique et de l’URSS.

Le numérique en Estonie est avant tout un sujet sociétal. La technologie, outil de mise en œuvre, arrive en dernier. L’e-gouvernement a été initié en raison de moyens financiers limités et de la configuration territoriale du pays : 1,319 millions d’habitants sur une superficie de 45 290 km². Cette faible densité aurait rendu le maillage territorial des services publics très coûteux. A titre indicatif, les gouvernorats du Sud tunisien, hors Gabes, à savoir Gafsa, Kebili, Medenine, Tatatouine et Tozeur totalisent légèrement moins de 1,293 millions d’habitants sur une superficie de 83 910 km² soit moins que la population de l’Estonie sur le double de la superficie environ.

Le ratio de fonctionnaires, en Estonie, est de 2% de la population, le travail partagé et l’échange de données entre ministères est la règle, et la confiance règne. La fraude et la corruption ont quasiment disparu du fait de cette dématérialisation, même si ce n’est pas la raison première pour laquelle cette large dématérialisation et numérisation a été mise en œuvre.

La création de la plateforme d’État (X-Road) a démarré en 2000 avec la carte d’identité équipée d’une puce électronique, qui équipe actuellement 97,9% de la population, et la déclaration d’impôt en ligne, puis avec la mise en place de la signature électronique (2002), l’e-gouvernement et les démarches d’état civil sur internet. Les services numériques de l’État se sont par la suite étendus : transports, banque, santé, élections (2005), éducation… En 2012, a été lancée une carte d’identité qui contient l’ensemble des données du citoyen, permis de conduire, carte de sécurité sociale, carte d’électeur et qui permet  aussi bien payer une amende que remplir son acte citoyen d’électeur. Ainsi, avec la carte d’identité numérique et sa signature électronique certifiée, tout Estonien a accès, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à des centaines d’e-services publics et privés, avec une sorte de guichet unique accessible de partout et à tout moment.

La signature électronique à elle seule ferait gagner 1 euro par acte et 5 jours par an à chaque citoyen. Mais il ne s’agissait pas que d’intérêt économique. Pour Taavi Kotka, ancien conseiller du Président Estonien et Président du conseil du programme d’e-résidence d’Estonie « c’était avant tout un projet politique : servir au mieux tous les citoyens. ».

La protection des données est au cœur de cette société numérique, centrée sur les citoyens et fondée sur la confiance, et l’e-administration repose aussi sur le cryptage des données, l’interopérabilité et la transparence. Il n’existe pas en effet de grand fichier central, mais les administrations échangent entre elles grâce à une infrastructure informatique commune en fonction de droits d’accès très définis. Chacun peut voir en temps réel, sur son espace numérique personnel quel organisme regarde quelle donnée et peut contester cet accès auprès de l’équivalent de l’INPDP. Si, par exemple, la police veut regarder une déclaration d'impôts, la personne concernée le sait en temps réel et a le droit de demander des explications : les abus sont sévèrement punis.

De même, la cybersécurité est une préoccupation constante de l’Etat estonien et l’Etat encourage les citoyens à adopter de bonnes pratiques en matière de cybersécurité. D’après Kersti Kaljulaid, la présidente de l'Estonie, « Nous avons développé le concept d' ‘‘hygiène numérique’’ : nous enseignons à chacun la manière d'assurer sa sécurité en ligne. Les Estoniens mettent régulièrement leurs logiciels à jour, ils n'envoient pas d'informations sensibles par e-mail, ils protègent leurs codes et ne laissent pas traîner leurs données bancaires »

En Estonie, l’accès à internet est considéré comme un droit social et un service internet gratuit a été offert aux seniors. Afin de convertir tous les estoniens au numérique, une formation à grande échelle baptisée « Saut du tigre » a été initiée dès 1996. Les écoles ont été massivement équipées d’ordinateurs, puis connectées à internet. Dès l’élémentaire, les élèves apprennent des notions de programmation : au classement Pisa, l’Estonie est 1er en Europe et 3e dans le monde derrière Singapour et le Japon.

Cependant, et si tous les services administratifs ont été numérisés et mis en ligne, personne n’est laissé en marge. Pour les 10% des Estoniens qui n’utilisent pas la fonction numérique de leur carte d’identité, le Gouvernement a maintenu des services physiques et du papier.

Lors d’une interview, Kersti Kaljulaid, Présidente d’Estonie a déclaré que : « Sans transformation numérique, les Etats deviendront obsolètes » appuyant cela par le fait que « Les Etats ont le devoir de fournir une identité à chaque citoyen : ça s'appelle un passeport. Mais le numérique est déjà partout... Si les gouvernements ne donnent pas à leurs ressortissants une manière sûre de s'authentifier en ligne, ils utiliseront les services alternatifs [des GAFAM] ».

 

 

Extrait de "Quand le numérique transforme l'Etat et l'Administration: vers un changement de paradigme", étude réalisée par Mustapha Mezghani pour le compte de l'ITES, Institut Tunisien des Etudes Stratégiques relevant de la Présidence de la République tunisienne.

http://www.ites.tn/fr/actualites/L%E2%80%99ITES-propose-100-recommandations-pour-transformer-l%E2%80%99Etat-et-l%E2%80%99Administration-via-le-num%C3%A9rique-:-vers-une-rupture-de-paradigme-%3F/103/?fbclid=IwAR1Xg58Hh80QaaqG6piZayu4I2ibI1FXsrTtMiiJmubVls0QXTBR6nxso8s

 

 

[1] Pour devenir e-citoyen, il suffit de se rendre sur le site ereseadent.gov.ee, de remplir un formulaire contenant un certain nombre de données personnelles et de motiver le souhait. L’ensemble des données saisies seront vérifiées par la police estonienne. Trois semaines après, si tout va bien, Le concerné sera convoqué à l’ambassade pour effectuer la démarche biométrique et repartira avec une carte à puce justifiante la e-résidence estonienne. Il sera alors possible, dans la foulée d’ouvrir un compte en banque ou de créer une entreprise.

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11 août 2018 6 11 /08 /août /2018 12:50

Une question m’a toujours taraudé l’esprit.

Cette question revient d’une manière cyclique et se fait de plus en plus pressante au moment où l’on parle de libertés et d’égalité.

Au moment de fuir les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, leurs plus fervents opposants, et à leur tête les intégristes, ont choisi des pays prônant la démocratie et la liberté de culte et de croyance ainsi que toutes les autres libertés aussi incroyables soient-elles,
Des pays qui ont instauré l’égalité Femme-Homme dans son sens le plus large,
Des pays où le christianisme est la première religion, mais qui ont intégré la liberté de croyance et de culte, ce qui leur a permis de pratiquer leur religion, l’Islam, sans restriction et en toute liberté,
Des pays à partir desquels ils ont pu se déplacer sans restriction aucune,
Des pays où tous les citoyens sont égaux, indépendamment de leur croyances ou religion et où certains ont pu bénéficier d’aides sociales et de subventions, se faire élire, etc,
Des pays à partir desquels ils ont pu maintenir leurs activités politiques et organiser leur opposition,
Des pays ou de nombreux choix sont offerts et non pas imposés afin de permettre à chacun de vivre sa vie sans l’imposer aux autres et sans empiéter sur la liberté d’autrui.
Dans ces pays certains d’entre eux sont décédés et ils ont pu léguer leurs héritages conformément à leur volonté alors que le droit en vigueur n’oblige pas un partage conforme à la lettre du Coran.

Dans ces pays, majoritairement du Nord, européens et américains, ils se sont adaptés aux règles en vigueur, ont vécu avec, et en ont même profité alors que ces règles sont assez proches de celles qui sont proposées par la COLIBE, la Commission Liberté et Egalité.

Aujourd’hui, de retour en Tunisie après 2011, ils tiennent à imposer une vision particulière de l’Islam qui n’est pas celle à laquelle la Tunisie a été habituée au cours de l’histoire, une vision différente des courants historiques de ce pays, dans le sens le plus large, et surtout une vision et des pratiques différentes de nos us et coutumes et de l’ouverture d’esprit à laquelle la Tunisie est habituée. Si les pays dans lesquels ils s’étaient réfugiés leurs avaient imposé leurs modèles, ils auraient eu les plus grandes difficultés à vivre ou à survivre et à s’organiser comme ils l’ont fait.

A lors pourquoi ne pas vouloir faire profiter le tunisien de la démocratie et des libertés dont ils ont bénéficié des années durant et laisser chacun vivre sa vie sans vouloir imposer un modèle spécifique à une « lecture étriquée » du Coran alors que la constitution, dans l’esprit et dans la lettre traite de démocratie, de libertés individuelles, de liberté de culte et de croyance, d’Egalité Femme-Homme, etc ?

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2 mai 2018 3 02 /05 /mai /2018 09:24

Passage sur Express FM dans l'émission EcoMag sur ALECA et services informatiques

 

http://www.radioexpressfm.com/ecouter/l-interview-mustapha-mezghani-expert-en-technologies-30-04-2018-3999

 

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14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 09:00

L’innovation dans la nouvelle législation de l’investissement, Mustapha Mezghani, Revue Le Manager numéro 230, pp 70-72, mai 2017

Pour consulter la version intégrale de l'article: https://fr.scribd.com/document/376329826/Mustapha-Mezghani-Manager-05-2017-Innovation-Investissement

 

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6 mars 2018 2 06 /03 /mars /2018 20:26

Depuis quelques années, de nombreuses voix se sont élevées pour appeler à un nouveau modèle économique pour la Tunisie, pour lequel il y aura plus d’innovation et de valeur ajoutée. Plusieurs propositions ont été faites à droite et à gauche concernant des secteurs porteurs et prometteurs dans lesquels il faudrait investir et que le pays aurait intérêt à développer. Cependant, force est de constater que rien n’a vraiment été fait. Est-ce faute de vision ou de savoir-faire dans un pays à l’origine d’une grande innovation en terme de stratégie de développement dans les années soixante-dix et qui a été largement suivi par la suite par d’autres pays ? Sommes-nous capables d’un nouveau rebond?

Article paru dans e numéro de mars 2018 de la revue Le Manager

 

Pour lire l'article en entier, cliquer sur le lien suivant

https://fr.scribd.com/document/373136297/Nouveau-modele-economique-la-Tunisie-pourrait-afficher-ouvertement-une-volonte-etre-le-Leader-africain-de-la-voiture-electrique-en-2030-par-exe

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4 février 2018 7 04 /02 /février /2018 09:43

“Quand des décisions prises par de hauts responsables, qui n’ont aucune vision pour le pays, entravent des projets porteurs et cassent l’élan d’équipes capables de mener le pays très loin.

Deux projets phares cités dans cette émission, deux projets qui datent de la période 2015-2016, période à laquelle j’étais à la tête de TTN et feu Slim Chaker ministre des finances, la caisse enregistreuse fiscale et la facture électronique.

Le projet de la caisse enregistreuse fiscale a été arrêté par une décision ministérielle d’une manière unilatérale, sous prétexte que la solution n’était pas opérationnelle, alors que celle qui a pris cette décision n’a même pas pris la peine de se renseigner sur la solution mise en place ou les résultats atteints. Une bonne partie du travail déjà réalisé au sein de TTN sera repris dans le cadre d’un appel d’offre qui vient d’être lancé. Le côté positif est cela veut dire que le projet sera repris.

La facture électronique qui n’a malheureusement par la suite pas pu bénéficier de la visibilité et de la promotion escomptée malgré l’avancée réalisée. Même l’obligation légale pour les administrations, les collectivités publiques et locales et les entreprises publiques inscrite dans la loi des finances 2016 n’a pas été mise en œuvre.

Le troisième projet mentionné, relatif à la reprise de l’exportation du savoir faire de TTN après une première expérience en 2003, a aussi été initié à la même période (2015-2016) y compris par le développement d’une filiale TTN International dont l’étude de faisabilité devait démarrer en considérant l’option PPP.

Enfin et comme dit dans le reportage, il ne peut y avoir de digitalisation sans une volonté politique marquée et affichée à tous les niveaux, à commencé à la tête de la (ou des) structure(s) concernée(s).

Bravo à la dynamique équipe de TTN.

 

 

https://www.webmanagercenter.com/2018/02/04/415694/ou-est-passe-le-projet-de-la-caisse-enregistreuse-fiscale/

 

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 17:47
Retour sur la loi des finances 2016

Voulant rendre hommage à Feu Slim Chaker, deux de ses conseillers au sein du Ministère des Finances, Safouane Ben Aïssa et Mustapha Mezghani, reviennent sur la loi des finances 2016, les principes sur la base desquels elle a été préparée, ses principales dispositions et leurs impacts.

Le principe général sous lequel s’est inscrit le mandat de Feu Slim Chaker au Ministère des Finances est « Science, Confiance et Transparence ». Dans le cadre de la préparation de la loi des finances 2016, ce principe général a été décliné comme suit:

  • Réduire voire anéantir l’avantage comparatif de la contrebande en limitant facilitant les procédures administratives et en réduisant les taxes et droits de douane sur les produits importés afin de rapprocher le prix des produits importés par la voie légale et ceux de la contrebande.
  • Baisser la pression fiscale sur les entreprises et neutraliser l’arbitrage formel / informel afin d’inciter à opter vers le formel. La baisse de la pression fiscale à travers la baisse des droits et taxes permet, en réduisant les avantages comparatifs de la contrebande, à inciter les gens à adhérer au secteur formel. A contrario, augmenter les droits et taxes risque non seulement d’inciter les acteurs du secteur informel à ne pas adhérer au secteur formel, mais risque aussi d’inciter les acteurs du secteur formel à aller vers l’informel et risque d’être une importante source d’inflation.
  • Améliorer la transparence et le service offert aux contribuables (aux entreprises et aux professionnels particulièrement).
  • Ne pas pénaliser la trésorerie de l’entreprise en simplifiant et en accélérant les procédures de restitution de la TVA.
  • Promouvoir le statut d’Opérateur Economique Agréé (OEA) afin d’abréger les délais de dédouanement de leurs marchandises importées et exportées après avoir mené une vérification et un audit concluant de leur prédisposition à obtenir ce statut privilégié (25 nouveaux OEA en 2016).
  • Fixer l’objectif « Zéro Papier » pour l’administration fiscale à horizon 2020 et ce pour faciliter la vie des entreprises en privilégiant les échanges entre le contribuable et les services administratifs par le recours à la technologie et aux services en ligne.

Souvent proposée par le gouvernement et devant permettre une mise en œuvre des objectifs et du plan d’action annuel du programme gouvernemental, cette loi des finances a été élaborée en concertation avec le Chef du Gouvernement et suite à une large consultation menée aussi bien avec le secteur public, le secteur privé et les principaux acteurs du milieu économique.

Les principales dispositions de la loi des finances 2016, la seule qui a été élaborée présentée et votée pendant le mandat de Slim Chaker au ministère des finances sont :

Réforme tarifaire

Après étude des produits les plus concernés par la contrebande (climatiseurs, électroménager, pneus, boissons alcoolisées, etc) et les raisons qui incitent au recours à la contrebande, il a été décidé procéder à une réforme tarifaire consistant à réduire le nombre de taux de droits de douane sur les produits importés pour les ramener à deux taux uniquement en dehors des produits agricoles. La limitation à deux taux permet d’éviter les arbitrages et les interprétations, ces deux taux étant de 20% pour les produits finis ou produits pouvant être commercialisés en l’état et de 0% pour les intrants et matières premières. Les produits agricoles, quant à eux, n’ont pas vus leurs taux de droits de douane changer car ces produits font partie des négociations engagées dans le cadre de l’Accord de Libre Échange Complet et Approfondi, ALECA, et qu’il faut se garder des marges de négociation avec l’Union Européenne.

La réforme tarifaire a aussi concerné la suppression de certaines aberrations tel que le droit de douane de 17% sur les céréales alors que l’importation de céréales est un monopole d’état. Ce droit de douane appliqué à ce monopole faisait que l’Office des Céréales, devait s’endetter auprès des banques pour plusieurs dizaines de millions de dinars, à chaque importation, pour payer à l’Etat des droits de douane qui n’allaient avoir aucun impact sur les caisses de l’Etat. Nous étions donc dans une situation aberrante où l’Etat s’endette pour payer des droits de douane à l’Etat.

Une autre situation aberrante concernait le taux de droit de consommation de la bière qui différait selon que le contenant était en boîte ou en bouteille avec deux taux différents contrevenant au principe de droit énonçant que « l’accessoire suit le principal », à moins que l’on ne considère que le produit est l’accessoire et que l’emballage est le principal. Il a donc été proposé,  lors de la loi des finances 2016, d’unifier le taux de droit de consommation de la bière et de n’avoir qu’un seul taux quel que soit la nature de l’emballage, canette ou bouteille.

Une autre disposition courageuse a été de baisser le droit de douane sur les alcools forts loin de la démagogie et des débats mal positionnés de l’incitation à consommer les boissons alcoolisées. La raison d’une telle décision est que le secteur informel s’accaparait un quasi-monopole de fait sur les boissons alcoolisées sans fiscalité aucune pour l’Etat en raison d’un droit de consommation atteignant, dans certains cas, plus de 600%.

Cette réforme tarifaire a été faite sur des bases scientifiques de manière à ce que le choix des différents taux ne s’est pas fait d’une manière arbitraire mais d’une manière optimisée afin de neutraliser l’arbitrage formel / informel.

Lutte contre la contrebande

Le programme de la modernisation de la douane tunisienne était adopté lors du conseil ministériel du 7 septembre 2015. La LF 2016 a connu une affectation budgétaire sans précédent pour le renforcement des moyens de la douane afin d’accomplir leurs missions : surveillance du trafic frontalier de marchandises, lutte contre la contrebande à l’intérieur du domaine douanier et contrôle des les opérations commerciales. Slim Chaker avait toujours l’idée de regrouper la fonction du contrôle des marchandises avec la fonction du contrôle des personnes dans un seul et unique corps, à l’égard de plusieurs pays avancés. Aux Etats-Unis, à titre d’exemple, cela s’appelle Customs & Border Protection. Bien que le programme de modernisation s’étale sur 5 ans, les années 2015 et 2016 ont connu une transformation significative dans les moyens alloués et les résultats enregistrés. La douane s’est dotée de moyens de surveillance tout à fait inédits (à l’égard des drones), un renforcement du parc roulant (tout terrain, routiers) allant jusqu’à doubler le parc existant. Elle s’est équipée de plusieurs scanners fixes et mobiles. Les conditions de travail des douaniers étaient un souci majeur pour Slim Chaker, qui a visité l’ensemble des postes frontaliers s’intéressant aux conditions élémentaires de dignité des douaniers et de la notoriété de l’Etat. D’autres dispositions et conventions ont vu le jour mais représentaient un aspect confidentiel, ne peuvent être révélées. Les résultats en matière de lutte contre la contrebande, l’informel, la criminalité et le terrorisme, ne se sont pas fait attendre puisque les performances étaient immédiates.

Digitalisation

Afin d’améliorer la transparence et d’éviter les éternels discussions quand aux chiffres d’affaires réalisés ainsi que les gains, il a été proposé d’introduire des caisses enregistreuses fiscales dans les cafés, les restaurant et autres activités de consommation sur place avec pour objectif de généraliser cette action ultérieurement.

De plus, et afin de faciliter les échanges de données et de factures entres les différentes parties prenantes et mettre la Tunisie au diapason des pays les plus développés en la matière, la reconnaissance fiscale de la facture électronique a été introduite dans la loi des finances 2016. Il a même été prévu à ce que les factures établies par les entreprises relevant de la Direction des Grandes Entreprises et adressées à l’Etat, aux collectivités publiques et locales ainsi qu’aux entreprises publiques soient obligatoirement des factures électroniques et ce afin de faciliter leur traitement et d’automatiser certaines tâches fastidieuses et répétitives.

Impact des différentes mesures

Comme prévu, les différentes mesures introduites ont eu des impacts positifs, dans certains cas plus vite qu’escompté en raison du fait que la diminution de droits de douane et droits de consommation afin d’inciter les gens à recourir au marché formel au lieu du marché informel, peuvent nécessiter du temps, le temps que les opérateurs s’aperçoivent de l’opportunité de rentrer dans le formel et se décident à le faire.

En effet, la mesure relative à la réforme tarifaire par l’abaissement des droits de douane en les limitant à deux taux a eu un impact budgétaire nul la première année. En effet, en 2015, le montant des droits de douane collectés était de huit cent vingt cinq millions de dinars (825 MDT) contre six cent quarante millions de dinars (640 MDT) en 2016 auxquels il faut ajouter environ cent quatre vingt millions de dinars correspondant au montant des droits de douane perçus au titre de 2015 sur les céréales, soit un différentiel de l’ordre de cinq millions de dinars (5MDT). Cependant, en comparant les droits de douane collectés au cours des huit premiers mois de 2016 à ceux collectés au cours des huit premiers mois de 2017, chiffres les plus récents disponibles, nous observons une croissance de 14% (417,8 MDT au 31/08/2016 contre 472,8 MDT au 31/08/2017).

La baisse du droit de consommation a elle eu un impact positif dès la première année. En effet, malgré la baisse du taux, l’atténuation de l’écart entre les prix de la contrebande et ceux du marché formel ont incité nombre de consommateurs et professionnels à s’approvisionner auprès du marché formel voire à inciter des opérateurs du marché informel à aller vers le formel. Ainsi, les recettes au titre du droit de consommation étaient de un milliard sept cent soixante treize millions de dinars (1773 MDT) en 2015 contre deux milliards cent soixante quatorze millions de dinars (2174 MDT) en 2016, soit une progression de 22,6% la première année.

La facture électronique a été mise en œuvre et entrée en exploitation suite à la publication du décret d’application en Août 2016 et même si l’arrêté de tarification n’a été signé qu’en mars 2017. Elle a permis aux entreprises de faciliter l’acheminement des factures vers leurs clients, de réduire les délais de paiement de leurs clients, de supprimer l’archivage papier des factures. Des propositions ont même été faites pour pouvoir suivre les produits stratégiques (farine, pates, tabac, médicament, huile compensée, etc.) grâce à la facture électronique.

Concernant les caisses enregistreuses, les refus imposés au début par les professionnels ont pu être réglés par un accord concernant la révision du taux de TVA sur les activités de cafés et restaurant en instaurant un taux unique de 6% au lieu des trois taux qui avaient cours 6, 12 et 18%. Un pilote avait été mis en place le 1er juin 2016 et a fait ses preuves. Jusqu’à mars 2017, la centrale de collecte des tickets recevait jusqu’à quinze mille tickets mois (15.000 tickets/mois) malgré un nombre réduit de caisses opérationnelles. Malheureusement ce programme a été d’une manière impromptue du temps de la successeuse de Slim Chaker alors que la loi demeure en vigueur et que l’opération pilote est réussie. Ceci est d’autant plus étrange que différents pays au monde recourent à la caisse enregistreuse fiscale dont l’Italie où l’usage d’une telle caisse est généralisé à tous les commerces : cafés, restaurant, habillement, tabac, journaux, pharmacies, grandes surfaces, quincaillerie, épiciers, pâtisserie, etc.

Un ensemble de mesures innovantes et courageuses qui ont été prises et ont permis d’atteindre les objectifs escomptés à savoir diminuer de l’importance de l’économie parallèle et de la contrebande et sans affecter les recettes de l’Etat voire en en améliorant les recettes

Safouane Ben Aïssa
Professeur d’économie à l’Université Tunis El Manar & directeur Advisory chez KPMG Tunisie

Mustapha Mezghani
Expert en transformation digitale et politiques publiques

 

 

http://www.leaders.com.tn/article/23249-retour-sur-la-loi-des-finances-2016

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22 septembre 2017 5 22 /09 /septembre /2017 09:24

Il y a des choses que je n’arrive pas à comprendre. L’ISIE annonce que les élections vont être reportées au 25 mars 2018 au lieu du 17 décembre 2017 comme initialement prévu, et ce pour différentes raisons :

– le retard accusé par l’ARP dans le vote sur de nouveaux membres de l’ISIE afin de combler les postes vacants,

– l’absence de visibilité de la part des acteurs politiques (les partis politiques ne sont pas d’accord et surtout certains ne sont pas prêts),

– les craintes sur la neutralité de la part de l’administration,

– le report de l’élaboration du code des collectivités locales.

J’aurais préféré que l’ISIE se limite à annoncer que les élections seront reportées parce que le décret présidentiel n’a pas été publié, sans plus et qu’elle se limite à ça pour une raison simple, sans annoncer aucune autre date.

L’ISIE est supposée être un organe neutre en charge de la préparation technique des élections, sans avoir à s’immiscer ni dans les partis, ni dans l’ARP, ni dans le gouvernement et l’administration, ni dans le président de la République de qui dépendent ladite date.

L’ISIE a-t-elle consulté les partis politiques pour fixer la nouvelle date ? Elle devrait le faire si elle justifie le report des élections par une absence de visibilité de la part des partis politiques.

L’ISIE a-t-elle consulté l’ARP avant de fixer la nouvelle date puisque le vote des membres et du président de l’ISIE sont du ressort de l’ARP ainsi que la promulgation du Code des collectivités publiques qui lui est aussi du ressort du président de la République qui a techniquement le droit de refuser la première copie qui serait issue de l’ARP ?

L’ISIE a-t-elle consulté le gouvernement quant à la «neutralité de l’administration» qui l’intéresse tant ?

L’ISIE a-t-elle la certitude que les réserves qu’elle soulève pour annoncer le report des élections seront levées d’ici le 25 mars 2018 ? J’en doute fort.

Pire encore, quand la date du 17 décembre a été annoncée par l’ISIE, ces réserves existaient déjà et rien ne permettait de prévoir qu’elles seraient levées dans les délais impartis, alors pourquoi est-ce que l’ISIE aurait annoncé cette date ?

Si l’ISIE est prête pour organiser les élections pour le 17 décembre 2017 comme elle le dit, il lui aurait suffi de dire nous sommes disposés à organiser les élections à toute date postérieure au 17 décembre 2017 en soulevant le problème de l’inscription des électeurs qui auront 18 ans entre le 17 décembre et la nouvelle date des élections.

Commentaire de Mustapha Mezghanni

 

 

http://www.webmanagercenter.com/2017/09/20/410183/mustapha-mezghanni-sinterroge-sur-le-report-des-municipales/

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